Biens à double usage : de la technologie civile au contrôle stratégique
Saviez-vous que certains biens utilisés dans des contextes civils peuvent également servir à des fins militaires ? C’est le cas des biens et technologies à double usage (BDU), soumis à des réglementations strictes tant au niveau européen que belge. Si vous fabriquez, vendez ou exportez ce type de produits ou services, il est essentiel de connaître les règles applicables.
Qu’est-ce qu’un bien à double usage ?
Les biens et technologies à double usage sont des produits, équipements ou savoir-faire destinés à des usages civils – comme la production d’énergie, les télécommunications ou l’aéronautique – mais qui peuvent aussi être détournés à des fins militaires, notamment pour le développement d’armes ou de systèmes de surveillance.
Pour prévenir les risques de prolifération ou d’usage détourné à des fins hostiles, leur exportation est rigoureusement encadrée. Toute opération de vente, de transfert ou de transit est soumise à l’obtention d’une licence, dans un objectif de préserver la sécurité internationale.
Deux grandes catégories de biens à double usage
Les BDU se classent en deux grandes catégories :
- Les biens matériels : équipements physiques ou objets tangibles, comme des machines, composants électroniques ou instruments de mesure.
- Les technologies : il s’agit de connaissances spécifiques, souvent sensibles, nécessaires à la conception, la fabrication ou l’utilisation d’un produit. Ces technologies peuvent être transmises via :
- L’assistance technique (instructions, formations, conseils, procédés pratiques, etc.) ;
- La documentation technique (plans, schémas, manuels, tableaux, spécifications, etc., sur tout support, y compris numérique).
Voici quelques produits typiques considérés comme BDU :
- Logiciels de cryptographie : utilisés pour sécuriser les communications privées ou professionnelles, mais aussi exploitables par des groupes militaires ou terroristes.
- Caméras thermiques : utiles dans l’industrie et la gestion des situations d’urgence, mais également intégrables dans des systèmes de visée militaire.
- Matériaux spécifiques : comme les alliages de titane (employés dans l’aéronautique civile, mais aussi pour les missiles) ou le carbone composite (utilisé pour les prothèses médicales, mais également pour le fuselage d’engins militaires).
Quelle réglementation s’applique en Belgique ?
En Belgique, les entreprises doivent se conformer à un double cadre réglementaire :
- Au niveau européen :
- Le Règlement (UE) 2021/821 du 20 mai 2021 établit un régime de contrôle des exportations, du courtage, de l’assistance technique, du transit et des transferts concernant les biens à double usage. Il impose notamment la délivrance d’une licence pour toute exportation vers des pays tiers.
- Au niveau belge et régional :
- L’Arrêté du Gouvernement wallon du 6 février 2014 encadre l’exportation, le transit et le transfert des BDU en Wallonie.
- Les articles 10 et 10 bis de la loi du 11 septembre 1962 prévoient les sanctions et procédures applicables à l’importation et à l’exportation de marchandises sensibles.
Que faire si je fabrique ou commercialise des biens à double usage ?
La demande de licence d’exportation doit être adressée à l’autorité compétente de l’État membre où la société a son siège légal.
En Wallonie, cette autorité est le Ministre-Président, mais c’est la Direction des Licences d’armes qui est chargée de la préparation, de l’analyse et de la gestion des dossiers.
Les demandes de licences doivent être introduites via la plateforme eLicensing de développé par l’Union européenne. Ce portail en ligne facilite la gestion des autorisations et renforce la transparence des flux commerciaux sensibles.
En tant qu’opérateur, il est de votre responsabilité de :
- Vérifier si vos produits ou services sont classés comme BDU ;
- Vous informer des restrictions d’exportation vers certains pays sous sanctions (comme la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord) ;
- Déposer vos demandes de licence via le portail eLicensing ;
- Vous conformer en permanence aux évolutions de la législation européenne et nationale.
Notre conseil :
En résumé : les biens à double usage ne concernent pas que les grandes industries militaires. De nombreuses entreprises actives dans les secteurs technologiques, chimiques ou électroniques peuvent être concernées. Une vigilance juridique s’impose !
Si vous avez des doutes quant au statut de vos produits ou sur les démarches à suivre pour l’obtention d’une licence d’exportation, notre équipe est à votre disposition pour vous accompagner. Contactez-nous !
