La législation belge prévoit l’exonération des autorités publiques des amendes prévues par le RGPD.
La FEB (“Fédération des Entreprises Belges”) a introduit un recours contre cette différence de traitement, qu’elle estime injustifiée.
La Cour Constitutionnelle s’est prononcée ce 14 janvier 2021.
Exonération du secteur public des amendes prévues par le RGPD
Lors de nos précédentes actualités, nous avons pu aborder les sanctions possibles en cas de non-respect du RGPD. Celles-ci peuvent être très lourdes : jusqu’à 20.000.000 d’euros ou, pour une entreprise, jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel. Elles figurent en détail aux articles 83 et 84 du RGPD.
Les législateurs nationaux pouvaient compléter certaines clauses ouvertes du RGPD. L’article 83 en faisait partie. Le législateur belge a alors décidé de le rendre (en partie) inapplicable au secteur public. C’est ce que prévoit l’article 221 § 2 de la loi du 30 juillet 2018 :
“§ 2. L’article 83 du Règlement ne s’applique pas aux autorités publiques et leurs préposés ou mandataires sauf s’il s’agit de personnes morales de droit public qui offrent des biens ou des services sur un marché.”
Par conséquent, l’article 83 du RGPD vise en Belgique principalement les entreprises du secteur privé.
Il permet à l’autorité de contrôle belge, l’ “Autorité de Protection des Données” (“APD”), de leur imposer de lourdes amendes administratives.
Le secteur public n’est visé que dans un cas restreint : lorsque le secteur public entre en concurrence avec le privé sur un marché. Par exemple, il peut s’agir des marchés du transport ou encore de la livraison de colis.
Rappelons tout de même que, si elles échappent aux amendes administratives, les autorités publiques s’exposent aux autres sanctions de l’APD, même si elles ne sont que morales, et aux sanctions pénales. Ces dernières sont cependant moins élevées et à ce jour plus rares.
Recours en annulation de la FEB
Le Conseil d’État ainsi que l’ancienne Commission vie privée avaient rendu un avis défavorable sur ce point du projet de loi exonérant les autorités publiques des amendes.
Le secteur privé s’est alors emparé de ce problème et la FEB a introduit un recours en annulation devant la Cour Constitutionnelle.
Le recours en annulation de la FEB se fonde sur la différence de traitement entre les entreprises privées et le secteur public. Selon la FEB, cette discrimination serait injustifiable et violerait le principe d’égalité. Il n’y aurait aucune raison que les entreprises privées subissent un traitement défavorable par rapports au secteur public.
L’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 14/01/2021
La Cour Constitutionnelle s’est prononcée ce 14/01/2021 sur le recours en annulation introduit par la FEB.
L’arrêt relève que l’imposition d’amendes administratives à des autorités publiques est susceptible de mettre en péril l’exercice de leur mission d’intérêt général et, par conséquent, de porter atteinte à la continuité du service public, en raison du montant de ces amendes.
Cette exonération n’entraîne donc pas des effets disproportionnés, puisqu’elle permet d’éviter de faire peser sur le citoyen et sur la qualité du service public les conséquences financières d’une telle sanction, tout en laissant la possibilité d’infliger des mesures alternatives et dissuasives en cas de non-respect des obligations qui découlent du RGPD.
Notion d’autorité publique au sens du RGPD interprétée strictement par l’APD
Le contour de la notion d’autorité publique au sens du RGPD garde donc toute son importance.
L’APD interprète par ailleurs strictement la notion d’autorité publique. Elle a récemment estimé qu’une société de logement social était un acteur privé, quand bien même elle exerce des tâches d’intérêt public.
L’APD a tenu le même raisonnement concernant une école financée par la Communauté flamande. Dans une première décision, l’APD avait exclu l’école de la notion d’autorité publique et lui avait infligé une amende de 2.000 euros en raison de plusieurs violations du RGPD. L’école avait ensuite saisi la Cour des Marchés d’un recours. En effet, la Chambre Contentieuse n’avait pas suffisamment motivé sa décision de ne pas faire bénéficier l’école de l’exonération des amendes administratives.
L’APD a cependant confirmé dans une seconde décision qu’un établissement d’enseignement libre subventionné n’est pas une autorité publique exemptée d’amende administrative. Selon l’APD, être une « autorité publique » au sens de l’article 5 §2 de la loi du 30 juillet 2018 n’implique pas de pouvoir invoquer l’exemption.
Ons advies:
Même si les autorités publiques ne doivent pas craindre de se voir infliger des amendes administratives, la jurisprudence de l’APD démontre qu’elle n’hésite pas à prononcer d’autres sanctions à leur encontre.
La mise en conformité avec le RGPD doit donc être une priorité tant au sein des autorités publiques que du secteur privé.