Le Digital Market Act (ou „DMA“) crée certaines obligations générales à charge des plateformes du net. La théorie c’est bien. Mais en pratique ? Quelles sont ces plateformes concernées ? ; Quelles sont les pratiques interdites ? Nos illustrations concrètes !
Qui sont les „Gatekeepers ?“ Quelles entreprises sont concernées par le DMA ? (Illustration (1))
Dans une précédente note sobrement intitulée le « DMA pour les Nuls », nous présentions les grandes lignes du Digital Market Act ou « Législation sur les marchés numériques ».
Le DMA met en place un certain nombre de règles destinées à identifier les « grandes » plateformes du numériques qui jouent un rôle de « contrôleur d’accès » (« Gatekeeper) sur certains marchés.
Les Gatekeepers sont des entreprises qui :
- en raison de leur taille (financière et sur le marché intérieur européen) ; et,
- de leur succès (elles drainent un important trafic et disposent d’une certaine ancienneté) ;
jouent le rôle d’ « intermédiaire incontournable » entre entreprises et consommateurs sur certains marchés du numérique, en sorte qu’il a paru bon au législateur européen de leur imposer des obligations renforcées, destinées à permettre (i) les empêcher d’exclure la concurrence et (ii) permettre l’émergence de nouveaux opérateurs.
En pratiques, quelles sont les plateformes concernées ?
Les plateformes concernées par le DMA
Les entreprises concernées par le DMA auront une obligation de déclaration auprès de la Commission européenne. Elles devront prendre l’initiative de déclarer remplir les seuils (financiers, d’utilisateur) qui la soumettent à cette législation.
En attendant cette déclaration, et afin de mieux visualiser le champ d’application du DMA, il est sans doute utile de procéder à une typologie des plateformes les plus connues. Nous soumettons à votre attention la présentation qui suit :
- Recherche sur Internet avec publicité (Google, Baidu) ;
- Médias sociaux (par exemple, Facebook, WeChat, Twitter, Microsoft LinkedIn) ;
- Médias sociaux généraux financés par la publicité : Facebook, WeChat ;
- Microblogging soutenu par la publicité : Twitter ;
- Partage de photos/vidéos avec publicité : Instagram, Flickr, TikTok, YouTube ;
- Magasins d’applications (Apple App Store, Google Play, Amazon Appstore pour Android) ;
- Marketplaces destinées aux entreprises (B2B) (Alibaba) ;
- Marketplaces :
- Plateformes destinées aux consommateurs (B2C) (Amazon Marketplace, MercadoLibre Classifieds, Rakuten, Tmall) ;
- Plateforme d’échange de prestations C2Cs (plateformes de consommateur à consommateur) (MercadoLibre, Taobao) ;
- Plateforme d’échange de prestations freelance/crowdsourcing (Freelancer, Amazon Mechanical Turk, Ikea/TaskRabbit, Upwork) ;
- Diffusion de musique en continu financée par la publicité (Deezer, Spotify) ;
- Cartographie (Baidu Maps, Bing Maps, Google Maps) ;
- Dépôts pour la recherche universitaire (SSRN) ;
- Crowdsourcing compétitif (TopCoder) ou non compétitif (Google Waze) ;
- Livraison de nourriture (Deliveroo, UberEats) ;
- Enseignement des langues (Duolingo) ;
- Jeux vidéo (Amazon Twitch, Huya) ;
- Fintech, notamment :
- Les plateformes de change de devises (CurrencyFair), le crowdfunding (Indiegogo, Kickstarter) ;
- Les paiements mobiles (AliPay, PayPal, WeChat Pay) ;
- Les courtiers en ligne (Fidelity, RobinHood, SaxoBank) ;
- Transports :
- Services de transport à la demande (Uber, Lyft, Kapten) ;
- Covoiturage longue distance (BlablaCar) ;
- Réservation de voyages :
- Voitures de location, vols aériens et hôtels (com, Expedia, Opodo) ;
- Croisières ;
- Locations à court terme (Airbnb, Atraveo, Homeaway) ;
- Paiements mobiles (WeChat Pay, AliPay) ;
- Rencontres (Meetic, Tinder, …) (source : EPRS, Online platforms: Economic and societal effects, PE 656.336, mars 2021).
On le voit tout de suite : certaines applications sont gérées par un même Gatekeeper. A titre d’exemple :
- Meta est propriétaire de Facebook, Whatsapp et Instagram ;
- Alphabet est propriétaire de Google et toutes les applications liées (Google Play, Google Maps, Google Shopping, Youtube, …) ;
- Microsoft détient Windows, Edge et propose de services de Cloud ;
- Amazon est un Marketplace qui propose aussi Alexa, des services de Cloud et la mise en relation B2B (Mechanical Turk) ;
- Apple est propriétaire de toute une suite de services de base (iOS, Apple Store, Safari …).
En outre, il semble que la qualité de Gatekeeper semble s’appliquer à tous les services proposés par l’entreprise qui rencontre une fois les conditions y relatives. Et ce, même pour d’autres services.
Toutefois, la liste d’illustrations ci-dessus présente le mérite de fournir une liste d’exemples d’applications potentiellement concernées par le DMA, un peu plus large que l’énoncé habituel des seuls GAFAM.
Plateformes concernées par le DMA : un tri critique est nécessaire
Toutes les applications précitées ne seront sans doute pas concernées par le DMA. A titre d’exemple :
- il est peu probable que SSRN remplisse les seuils financiers ; ou que,
- BlablaCar ou les applications de rencontre soient considérées comme des intermédiaires B2C ;
Le critère de « service de base » des internet sera ou non rempli selon le business modèle (ex. : un service de cartographie peut se borner à fournir des informations topographiques ou être augmenté avec une régie publicitaire).
En revanche, à côté de ces leaders mondiaux, d’autres entreprises supra-régionales pourraient être concernées. Ainsi, un groupement d’entreprises allemandes signalait récemment à la Commission être potentiellement concerné par le DMA.
Il s’agit des entreprises : Booking.com, Zalando, bol.com, Allegro, eMag, Delivery Hero, Vinted et Wolt.
Nul doute que d’autres entreprises européennes seront également concernées.
Quels sont les comportements interdits par le DMA ? (Illustrations (2))
La jurisprudence récente en droit de la concurrence permet d’illustrer certains types de pratiques qui seront interdites par le DMA.
La différence ? Le DMA introduit également de nouvelles interdictions. Pour les pratiques qui ont déjà été sanctionnées, le DMA réduit le seuil d’incrimination par rapport aux infractions pour abus de position dominante et faciliteront le travail de la Commission.
Les lignes qui suivent fournissent quelques exemples de pratiques sanctionnées.
DMA et utilisation des données des utilisateurs
Lorsque le DMA évoque l’obligation d’obtenir le consentement des utilisateurs pour combiner les données personnelles de leur service de plateforme de base avec des données personnelles – cela fait écho à l’affaire Facebook allemande.
Dans cette affaire, l’Autorité allemande de la concurrence a sanctionné les conditions d’utilisation de Facebook en ce qu’elles permettaient de relier les données collectées via l’application Facebook avec les données relatives aux utilisateurs et aux appareils collectées par les autres services du groupe Facebook ou sur des sites web tiers, sans le consentement préalable des utilisateurs.
Ceci incluait la collecte de données sur les habitudes de navigation des utilisateurs lorsqu’ils visitaient un site web comportant un bouton „J’aime“ de Facebook, même si l’internaute ne cliquait pas sur ce bouton.
L’affaire est actuellement toujours en examen sur recours.
DMA et autopréférencement („self-preferencing“)
Lorsque le DMA interdit l’auto-préférencement (« self-preferecing ») – cela fait écho à l’affaire Google Shopping.
A cette occasion, la Commission a sanctionné Google après avoir constaté que le moteur de recherche général de Google fournissait des résultats positionnés et affichés de façon plus accrocheuse lorsque les résultats portaient sur le service d’achat comparatif propriétaire de Google (« Google Shopping ») que lorsqu’ils provenaient de services de comparaison de produits concurrents. Lesquels étaient en outre susceptibles d’être rétrogradés dans le classement des résultats.
DMA et services alternatifs à la plateforme
Lorsque le DMA exige que des applications soient accessibles par des moyens autres que les services de plateforme – cela évoque l’affaire Apple c. Epic Games.
Dans cette affaire américaine, Epic Games (éditeur du jeu en ligne « Fortnite ») contestait les restrictions imposées aux applications disponibles via l’Apple Store, selon lesquelles aucune autre méthode d’achat « in-app » ne pouvaient être proposée en dehors de celles offertes par l’App Store.
En pratique, Epic Games se plaignait de la hauteur de la commission (30%) prise par Apple pour chaque achat fait en ligne dans Fortnite.
Une décision partagée a été rendue, où les conditions d’utilisation de l’Apple store sont largement épargnées parce que l’Apple store n’est pas en position de monopole. Toutefois, l’interdiction faite par Apple aux développeurs de fournir des informations de téléchargement et de paiement alternatifs est considéré comme illégale.
Grâce au DMA, la question de l’existence (ou non) d’un monopole ou d’une position dominante pourra être écartée à l’avenir au profit de la notion du contrôleur d’accès (Gatekeeper).
Unsere Empfehlung:
Qui sont les Gatekeepers ? Quelles sont les pratiques interdites par le DMA ?
Ces questions occuperont le devant de la scène pendant un certain nombre de mois.
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