Le nouveau droit de la responsabilité extracontractuelle, entré en vigueur le 1er janvier 2025, introduit un mécanisme évocateur d’une pratique privilégiée de l’autre côté de l’Atlantique, les dommages et intérêts punitifs.
L’article 6.31, §3 du Code civil apporte en effet une réponse à une problématique bien connue : celle des fautes intentionnelles et lucratives, où le responsable tire un bénéfice économique supérieur à l’indemnisation qu’il pourrait devoir payer à la victime.
Constat du législateur sous l’ancien Code civil
Jusqu’à présent, le droit belge était strictement fondé sur un principe compensatoire.
Si la réparation intégrale du dommage consiste à replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne sans la faute, l’éventuel bénéfice réalisé par le responsable ne constitue en principe pas un dommage réparable pour la personne lésée.
Imaginez pourtant qu’un média publie des photos d’une personne sans son consentement, portant ainsi atteinte à son droit à l’image et, selon le contenu de la publication, à son honneur et à sa réputation.
S’agissant d’une personnalité publique plus particulièrement, il est probable que cette publication génère des gains pour l’auteur de la violation, notamment par le biais des revenus publicitaires ou des ventes accrues.
Or, l’indemnisation traditionnelle fondée sur le préjudice moral ou patrimonial subi par la victime pourrait être faible (souvent traduite par un euro symbolique) par rapport au profit réalisé.
Le législateur reconnaît donc que, dans certaines situations précises, le principe de la réparation intégrale du dommage, en dehors de toute autre forme de compensation, ne présente aucun effet préventif ni dissuasif et permet à l’auteur d’une faute lucrative de spéculer sur les bénéfices qu’il retirera de sa faute.
Solution apportée par le nouveau Livre 6
Le nouvel article 6.31, §3 prévoit désormais que « lorsque le responsable a, intentionnellement et dans le but de réaliser un profit, violé un droit de la personnalité de la personne lésée ou porté atteinte à son honneur ou à sa réputation, le juge peut accorder à la personne lésée une indemnité complémentaire égale à tout ou partie du bénéfice net réalisé par le responsable ».
Dans le cadre d’une publication non consentie dans un média, plusieurs conditions doivent être examinées pour que cette disposition entre en jeu :
- Comportement intentionnel: l’auteur de la publication a agi délibérément, en pleine connaissance de cause.
- But lucratif: l’article n’exige pas une intention de nuire, mais bien une intention lucrative, celle de réaliser un bénéfice, par exemple en attirant plus d’abonnés, en vendant davantage de journaux, ou en augmentant les revenus publicitaires en ligne.
- Atteinte aux droits de la personnalité: L’utilisation de l’image sans consentement constitue une violation directe du droit à l’image.
Avec l’entrée en vigueur de l’article 6.31, § 3, le juge peut intervenir en déduisant les coûts spécifiquement liés à l’infraction du bénéfice brut et en déterminant le bénéfice net que le responsable doit restituer à la victime, en plus de l’indemnisation classique.
Cette mesure présente plusieurs caractéristiques notables : elle ne vise pas à introduire un système de dommages et intérêts punitifs au sens strict, mais à éviter qu’un responsable tire un profit inéquitable de son acte illicite, tout en prévenant les comportements opportunistes.
Notre conseil :
Il est important de noter que cette nouvelle mesure ne s’applique que pour les faits générateurs postérieurs au 1er janvier 2025. Il convient donc d’attendre de voir comment les juges interpréteront et appliqueront cette disposition dans la pratique.
Si vous êtes concerné par une situation similaire, il peut être utile de consulter un avocat spécialisé pour analyser vos droits dans ce nouveau cadre juridique et déterminer les meilleures actions à entreprendre.
N’hésitez pas à nous contacter pour évaluer ensemble vos options et protéger vos intérêts.