Ghibli, ChatGPT et Data Mining : quelles sont les armes du droit d’auteur face à l’IA ?
Fin mars 2025, une mise à jour du modèle de ChatGPT-4o a enflammé les réseaux sociaux. Internet s’est rapidement vu inondé d’images générées par IA dans le style « inimitable » du légendaire Hayao Miyazaki. Pour rappel, son studio Ghibli, est célèbre pour ses chefs d’œuvres d’animation tels que Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro ou Princesse Mononoke .
La tendance est déclinée sur tous les sujets, par tous les publics. Petits mèmes absurdes, attentats du 11 septembre ou représentation de l’arrestation d’une immigrante sans papiers publiée par la Maison Blanche… Comme souvent sur Internet, la créativité et le mauvais goût se côtoient étroitement. Derrière le buzz, se cache une question fondamentale : comment ces IA sont-elles capables d’imiter aussi fidèlement le style artistique si distinctif de Myiazaki ?
Un Data Mining des œuvres Ghibli … sans autorisation ?
Pour parvenir à de tels résultats, les modèles d’IA génératives doivent avoir été entraînés sur des milliers d’images d’œuvre protégées – une pratique nommée “Text and Data Mining” (ou TDM). Or, Miyazaki est connu pour son opposition farouche à de telles pratiques. Celui-ci s’exprimait déjà sur le sujet en 2016 : « Je ne souhaiterai jamais incorporer cette technologie dans mes œuvres. C’est une insulte à la vie elle-même. ».
Le Fair Use américain remis en cause face aux IA
Aux États-Unis, les entreprises développeuses d’IA justifent le TDM d’œuvres sous copyright par le principe du Fair Use (usage loyal).Soit, une doctrine qui autorise dans certaines limites l’utilisation d’œuvres sans autorisation, notamment à des fins éducatives, de critique ou de parodie.
Mais une décision rendue en février 2025 a marqué un tournant : un juge fédéral a estimé que l’entraînement d’une IA sur des œuvres protégées (en l’espèce celles de la société Reuters) ne relevait pas du Fair Use. Ce précédent judiciaire pourrait profondément modifier les pratiques des géants de la tech sur le territoire américain.
Dans l’UE : Pas de réponse claire via l’IA Act ou la Directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique
Dans l’Union européenne, la situation du TDM est différemment encadrée, via la Directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Le data mining n’est licite sans autorisation de l’auteur dont l’œuvre est « minée » que s’il est effectué :
- par des chercheurs ou des institutions scientifiques, exclusivement à des fins de recherche ;
- par des entreprises ou des particuliers uniquement si l’auteur ou le titulaire de droits n’a pas expressément interdit cette pratique.
En d’autres termes, un auteur peut s’opposer à ce que ses œuvres soient utilisées pour entraîner une IA. Encore faut-il cependant que l’auteur ait clairement exprimé son opposition. Or, les modalités concrètes de cette expression restent aujourd’hui discutées : une simple mention dans les conditions générales d’utilisation d’un site est-elle suffisante ? Faut-il, au contraire, prévoir une opposition intégrée directement dans le fichier numérique de l’œuvre — sous la forme d’une mesure technique de protection — afin que celle-ci soit automatiquement détectée et respectée par les systèmes d’IA ?
Notre conseil :
Si vous êtes auteur, illustrateur, éditeur, musicien ou détenteur de droits, vous avez aujourd’hui les moyens de défendre vos œuvres contre l’utilisation non autorisée par des IA :
- Clause de réserve : indiquez clairement que vous interdisez l’utilisation de vos œuvres à des fins d’entraînement d’IA ;
- Conditions d’utilisation en ligne : encadrez l’accès à vos contenus sur vos sites ou plateformes ;
- Mesures techniques : envisagez de protéger techniquement vos œuvres ;
- Surveillance et action : surveillez les usages illicites et agissez en cas d’atteinte à vos droits.
Nous pouvons vous accompagner pour adapter vos contrats, protéger vos œuvres et réagir efficacement en cas d’atteinte à vos droits. N’hésitez pas à nous contacter pour évaluer vos besoins et sécuriser vos créations.