La Région de Bruxelles-Capitale a adopté une nouvelle législation accordant aux locataires un « droit de préférence » en cas de vente de leur logement. Cette mesure, entrée en vigueur le 6 janvier 2024, vise à renforcer la stabilité résidentielle et à faciliter l’accès à la propriété pour les locataires de longue durée et s’inscrit dans la lignée de l’article 23 de la Constitution garantissant le droit au logement.
Nous décryptons ici les contours de ce droit inédit et faisons le point sur ces nouvelles dispositions qui offrent une opportunité non négligeable à certains locataires et imposent de nouvelles obligations aux bailleurs et aux professionnels de l’immobilier.
Le droit de préférence, qu’est-ce que c’est ?
Ce nouveau droit trouve son siège dans le Code Bruxellois du Logement, aux articles 247/1 et suivants.
Bien qu’aucune définition concrète du droit de préférence ne soit reprise dans le Code, son champ d’application y est largement précisé, à l’article 247/1. Le droit de préférence donne au locataire d’un logement la possibilité de devenir propriétaire de celui-ci en priorité, avant tout autre acquéreur potentiel. Concrètement, lorsqu’un immeuble est mis en vente, alors que celui-ci fait l’objet d’un bail d’habitation, le propriétaire est tenu d’informer le locataire de cette mise en vente et de la possibilité pour lui de l’acquérir.
S’agissant d’une mesure ayant pour objectif la sécurité et la stabilité du logement, seuls les baux de longue durée (soit les baux conclus pour une durée de plus de trois ans ou les baux de courte durée réputés conclus pour une période de neuf ans en cas de mutation tacite) sont visés.
Existe-t-il des exceptions ?
Dans certaines circonstances particulières, aucun droit de préférence ne sera accordé au locataire. En effet, certaines ventes ou certains biens sont exclus du champ d’application, à savoir :
- La vente à certains familiers (conjoint, cohabitant légal ou de fait pour autant qu’il soit domicilié à la même adresse, parent ou allié jusqu’au 3e degré) ;
- La vente de nue-propriété, d’usufruit et autres droits réels, ainsi que les ventes en rente viagère ;
- La vente de logements en suite de fusions, scissions ou liquidation de sociétés ;
- La vente ou l’apport à sa propre société (si le vendeur ou son conjoint/cohabitant légal détient au moins 50% des parts sociales, seuls ou avec un ou plusieurs parents/alliés jusqu’au 3e degré) ;
- La cession de droit indivis entre indivisaires ;
- La vente d’un bien à une administration publique ou à une personne morale de droit public, si le bien est acquis en vue d’être utilisé à des fins d’intérêt général ;
- Le bien faisant l’objet d’un arrêté d’expropriation pour cause d’utilité publique ;
- Le bien frappé d’un arrêté d’inhabitabilité ;
- L’immeuble composé de logements multiples occupés par différents locataires, en cas de vente de la totalité de l’immeuble ;
- Le bien faisant l’objet d’une promesse de vente antérieure à la conclusion du bail.
Qui en est bénéficiaire ?
Le bénéficiaire du droit est le preneur du bail de résidence principale, qui est domicilié dans les lieux. Attention, comme cela a pu être précisé, le locataire d’un bien de courte durée ne peut bénéficier de ce droit.
Outre le preneur du bail, d’autres personnes ont été privilégiées par le législateur, selon les critères de la famille et de la domiciliation. Sur cette base, pourront également bénéficier du droit de préférence :
- Le conjoint du preneur, son cohabitant légal ou son cohabitant de fait ;
- Ses enfants ou les enfants du conjoint/cohabitant.
À condition que cette personne soit effectivement domiciliée dans les lieux avec le preneur au moment de la mise en vente du logement.
Si différentes personnes deviennent titulaires de ce droit et qu’elles désirent l’exercer concurremment, elles devront s’accorder entre elles quant à la(les) personne(s) qui exercera(ont) le droit de préférence, dans le délai imparti pour l’exercice du droit (voir infra), sous peine de déchéance.
Comment est mis en œuvre ce droit de préférence ?
Concrètement, plusieurs étapes peuvent être distinguées :
- Notification de vente et du droit de préférence : Lorsque le propriétaire-bailleur décide de mettre en vente le bien loué, il doit avant toute chose informer son locataire de cette mise en vente et du fait qu’il bénéficie d’un droit de préférence, et ce, par voie recommandée avec accusé de réception. En outre, le prix et les conditions de la vente doivent être repris dans cette notification.
- Délai de réponse : 30 jours sont alors laissés au locataire afin que celui-ci puisse exercer son droit de préférence. Si le locataire accepte l’offre, il doit en informer le propriétaire dans le délai imparti. L’absence de réponse dans le délai de 30 jours vaut renonciation. En cas de refus, le propriétaire pourra alors mettre en vente son bien de manière classique.
- Nouveau délai en cas de propositions plus avantageuses : Dans l’hypothèse où le propriétaire entend proposer des conditions plus avantageuses à un autre acheteur, il est tenu d’en informer préalablement son locataire qui dispose alors d’un délai complémentaire de 7 jours à dater de la réception de cette nouvelle offre pour prendre position.
Des sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect des obligations ?
Effectivement. Si le propriétaire méconnaît son obligation et que le preneur n’a pas eu l’occasion d’exercer son droit de préférence, il bénéficiera d’une action en subrogation qu’il devra former à l’encontre du nouvel acquéreur.
Il s’agit d’une sanction particulièrement lourde étant donné que, par cette action, le preneur lésé peut se retourner contre l’acquéreur et acquérir le bien à sa place moyennant remboursement, jusqu’à 1 an après la vente !
Une action en dommages et intérêts peut alors être engagée par l’acquéreur subrogé contre le propriétaire pour le préjudice qu’il a subi.
Des implications pour les professionnels chargés de la mise en vente ?
Le notaire ou l’agent immobilier chargé de la vente est tenu à la même obligation de notification quelle celle du bailleur.
Plus encore, le notaire chargé de passer l’acte authentique doit s’assurer que l’obligation de notification a été conformément au prescrit du Code bruxellois du logement.
En cas de non-respect de cette obligation, le professionnel en question peut engager sa responsabilité.
Unsere Empfehlung:
L’introduction de ce nouveau droit de préférence dans le Code Bruxellois du Logement représente une opportunité réelle pour les locataires bruxellois d’accéder à la propriété.
Tant pour le locataire que pour le propriétaire-bailleur, il est essentiel de bien comprendre les modalités d’exercice de ce droit et il peut s’avérer opportun de recourir aux services d’un professionnel pour éviter des conséquences qui peuvent s’avérer dommageables en cas de non-respect de la législation.
Nous sommes à votre disposition pour vous accompagner au fur et à mesure de la mise en vente de votre bien.