En vertu de la directive 96/9 sur la protection juridique des bases de données, celles-ci peuvent être tant protégées par le droit d’auteur visant toute création originale, que par un droit sui generis protégeant l’investissement substantiel nécessaire à leur développement.
Concernant la protection sui generis, nous renvoyons à notre commentaire de l’arrêt de la Cour de Justice du 19 décembre 2013.
Par son arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de justice nous donne l’occasion de nous interroger sur les obligations qui découlent de ces protections légales «automatiques» (applicables sans aucune formalité préalable).
Les faits de la cause
La société néerlandaise PR AVIATION exploite un site de comparateur de prix entre les compagnies aériennes low cost.
Elle obtient ses données notamment à partir d’un recueil de données couplées au site internet de la société irlandaise RYANAIR.
Les conditions générales de RYANAIR prévoyaient notamment une interdiction d’utiliser des systèmes automatisés ou des logiciels pour extraire des données du site internet à des fins commerciales, à moins d’une convention de licence écrite.
RYANAIR a donc intenté une procédure en faisant valoir que la société PR AVIATION avait violé ses droits (d’auteur et sui generis) à la protection des bases de données et agi en méconnaissance de ses conditions générales.
Par jugement du 28 juillet 2010, le Tribunal d’UTRECHT a condamné le PR AVIATION à s’abstenir de toute violation des droits d’auteur de RYANAIR sur ses données et à l’indemniser.
Suite à l’appel interjeté par PR AVIATION, la Cour d’appel d’AMSTERDAM a réformé ce premier jugement, estimant que le comportement de PR AVIATION correspondait à un usage normal et légitime du site internet. La Cour n’a en outre pas fait droit à l’appel incident de RYANNAIR qui souhaitait également bénéficier de la protection sui generis, déjà refusée par le Tribunal d’UTRECHT pour manque d’investissement substantiel.
RYANAIR a formé un pourvoi devant la Cour Suprême des Pays-Bas. Celle-ci s’est demandé si les limitations à la liberté contractuelle prévues par la directive 96/9 s’appliquaient également aux bases de données non-protégées par ladite directive. Elle a donc posé une question préjudicielle en ce sens à la C.J.UE.
La décision
La Cour de justice a souligné qu’en vertu de l’article 15 de la directive, l’interdiction de clauses contractuelles empêchant une utilisation légitime des bases de données s’applique explicitement au droit d’auteur d’une part, et au droit sui generis d’autre part.
Dès lors qu’une base de données n’est protégée ni par le droit d’auteur, ni par le droit sui generis, la directive 96/9 ne peut donc être invoquée pour s’opposer à des conditions contractuelles d’utilisation de cette base de données.
Par son arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de justice estime que son interprétation du texte est en adéquation avec le juste équilibre visé par la directive et ne réduit pas l’intérêt de revendiquer les protections offertes par celle-ci.
Ainsi, les droits automatiques conférés par la directive aux bases de données permettent à leurs bénéficiaires de s’opposer à certains comportements.
L’auteur d’une base de données ne remplissant pas les conditions de l’une ou l’autre protection ne bénéficie quant à lui d’aucun bouclier pour s’opposer à l’utilisation de sa base de données par des tiers, à l’exception peut-être de dispositions nationales.
Si le raisonnement de la Cour est parfaitement logique, la conclusion demeure cependant surprenante: Les deux protections juridiques (droit d’auteur et droit sui generis) offertes par la Directive 96/9 empêchent leurs bénéficiaires d’user de certaines protections contractuelles, possibles uniquement en l’absence de protection légale. On pourrait donc imaginer que, afin de rendre leurs conditions générales applicables, des auteurs/investisseurs plaident en justice l’absence de protection légale sur leurs bases de données …
Notre conseil :
Dès lors que votre base de données n’est consultable que suite à l’acceptation de conditions générales empêchant tout usage par des tiers, en ce compris les usages considérés comme normaux par vos dispositions nationales conformes à la directive 96/9, il serait préférable que cette base de données ne tombe sous la coupe d’aucune «protection» légale.
Il est cependant impossible d’écarter avec certitude les protections automatiques que sont le droit d’auteur et le droit sui generis des bases de données.
La question de l’attitude adéquate se posera lors de la procédure judiciaire, où l’application de clauses contractuelles peut impliquer d’éviter d’arguer de ses droits légaux …