Au fur et à mesure de l’avancée d’un chantier, de nombreux matériaux sont mis en œuvre par les différents professionnels de la construction. Ces matières sont plus ou moins compliquées, et leur importance est plus ou moins grande pour la structure de l’édifice : béton, isolant, carrelages, tuiles, poutres… Par ailleurs, il n’est pas rare maintenant que certains matériaux soient tellement complexes qu’ils nécessitent l’intervention de prestataires spécialisés, et que le tout se fasse sous la conception ou le contrôle d’un architecte ou d’un bureau d’étude.
II arrive, toutefois, que le matériau utilisé présente des défauts et soit impropre à l’usage qui doit en être fait. Avec des conséquences parfois graves sur l’habitabilité du bâtiment et, quasiment dans tous les cas, des répercussions sur l’organisation du chantier.
Quelles responsabilités peuvent être engagées en présence de cette problématique ?
La responsabilité du fabricant
Même si l’entrepreneur est, a priori, le premier interlocuteur contractuel du maître de l’ouvrage pour les matériaux mis en œuvre par l’entreprise, il est assez évident que le fabricant est le premier vers lequel les parties vont se retourner en cas de défaut.
Il convient tout d’abord de noter qu’un vendeur informé de l’utilisation prévue de la chose vendue et des résultats attendus par l’acheteur, assume une obligation plus grande, une obligation de résultat. Cela est plus particulièrement vrai pour des fournisseurs spécialisés, ou de produits complexes. Dans pareilles circonstances, le vendeur spécialisé pourrait être tenu à une garantie « élargie » et aurait également une obligation de conseil, laquelle sera à nouveau renforcée selon la complexité ou la spécificité du matériau qu’il vend. Ce sera moins le cas pour des fournisseurs de matériaux « simples » (béton, sable…).
Le fabricant du matériau (ou le grossiste), en sa qualité de vendeur professionnel, est tenu de garantir la chose vendue de ses éventuels vices cachés.
La réunion de différentes conditions est, néanmoins, nécessaire pour que cette garantie puisse sortir ses effets.
Plus particulièrement, le vice de la chose doit :
- Être caché, c’est-à-dire qu’il ne peut être apparent et/ou que l’acheteur n’a pu se convaincre lui-même de l’absence de vice ;
- Rendre la chose vendue impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il l’avait connu.
Dès la réunion desdites conditions, le vendeur de la chose peut être tenu :
- Soit de se faire rendre la chose et de restituer le prix ;
- Soit de devoir rembourser une partie du prix.
Et ce, même s’il n’avait pas connaissance de l’existence de ce vice. En effet, le vendeur est tenu du vice, même s’il n’en avait pas connaissance lui-même. Quitte à se retourner contre son fournisseur ou contre le responsable du vice (un transporteur ou un manutentionnaire par exemple). Par exemple, il y a quelques années, plusieurs dossiers relatifs à des contaminations de béton par de la chaux lors du transport par camion ont défrayé la chronique.
Le choix de la solution (restitution ou remboursement) est laissé à l’acheteur, sauf si le vendeur ignorait de bonne foi le vice de la chose ; dans pareil cas, il ne serait tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.
En revanche, si le vendeur connaissait le vice, il s’expose en outre à une indemnisation de l’ensemble des dommages et intérêts subis par l’acheteur (dégâts à d’autres parties du bâtiment, perturbations de chantier, troubles de jouissance…).
Enfin, pour la garantie puisse être mise en œuvre, il convient que l’action soit intentée par l’acquéreur dans un « bref délai ». Ce bref délai n’est malheureusement ni défini, ni délimité par la loi mais est une question de fait qui relève du pouvoir d’appréciation du juge du fond qui devra alors tenir compte de toutes les circonstances de la cause, notamment la nature de la marchandise vendue, la nature du vice, les usages et la qualité des parties.
La responsabilité du concepteur
L’architecte n’est pas responsable des vices du matériau, sauf éventuellement s’il aurait pu les détecter dans le cadre de sa mission de contrôle. Cette hypothèse est toutefois très limitée puisque l’architecte n’a pas d’obligation de surveillance du chantier et qu’il ne doit donc pas contrôler ce qui est fourni et mis en œuvre.
Toutefois, parfois, un matériau peut être exempt de défauts, mais il peut ne pas convenir à l’usage auquel il est destiné. Selon le niveau de détails prévus dans le cahier des charges (prescriptions précises des matériaux à mettre en œuvre ou simple définition des performances à atteindre), cela peut constituer une erreur de conception qui peut engager la responsabilité de l’architecte ou du bureau d’étude.
Que ce soit dans les plans ou dans le cahier des charges, si l’architecte a prescrit un matériau qui, bien qu’objectivement bon, ne répondait pas aux performances souhaitées ou n’était pas suffisamment adapté, cela peut entraîner sa responsabilité.
Cette responsabilité peut être partagée par l’entrepreneur ou le sous-traitant spécialisé, qui auraient pu ou dû savoir que ce qui était prescrit ne convenait pas à l’usage prévu. Il est effet régulièrement rappelé dans la jurisprudence que l’entrepreneur n’est pas un exécutant servile. Le cas échéant, un maître de l’ouvrage spécialisé pourrait également voir une partie de la responsabilité lui incomber.
La responsabilité de l’entrepreneur
L’entrepreneur est responsable évidemment des défauts de mise en œuvre. S’il abîme un matériau ou qu’il le met en œuvre dans des conditions inadéquates, il peut être responsable du dommage à ce matériau, à d’autres éléments du bâtiment et des perturbations du chantier, et ce dans le cadre de son contrat d’entreprise.
En cas de vice intrinsèque du matériau que l’entrepreneur a acheté auprès d’un grossiste ou du fabricant, l’entrepreneur assumera à l’égard du maître de l’ouvrage cette responsabilité, quitte à se retourner (y compris judiciairement le cas échéant, par le biais d’une citation en garantie) contre son fournisseur.
Notre conseil :
Dans les limites de la protection du consommateur, si le maître de l’ouvrage est qualifié comme tel, les contrats peuvent aménager les responsabilités des différents intervenants à l’acte de construire en cas de vice du matériau et des différentes hypothèses visées ci-dessus (prescription ou mise en œuvre inadéquate…).
Une attention tout à fait particulière doit donc être portée aux contrats avec l’entrepreneur et les concepteurs, mais également aux conditions générales des fournisseurs et grossistes, lesquelles sont parfois très déséquilibrées et peuvent placer les chaînons intermédiaires de la chaîne de responsabilité (comme les entreprises) dans des situations très délicates.
Notre équipe est là pour vous assister dans vos démarches !