Dans un arrêt du 25 octobre 2011 (aff. C-509/09), la Cour de Justice avait précisé que la victime d’actes illicites pouvait saisir le tribunal de son domicile pour demander réparation de l’intégralité de son dommage. Cette décision, qui apporte une avancée significative dans la protection juridictionnelle des droits de la personnalité, posait la question de sa portée.En l’occurrence, on pouvait se demander si ce principe est applicable en matière d‘atteinte au droit d’auteur. Dans un arrêt du 3 octobre 2013 (aff. C-170/12), la Cour de Justice répond à cette question. Le litige concernait la reproduction non autorisée sur un disque compact (CD) de douze chansons enregistrées par le groupe Aubrey Small sur un disque vinyle dont Monsieur Pinckney prétendait être l’auteur, le compositeur et l’interprète. Le disque compact litigieux avait été pressé en Autriche par Mediatech puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe et Elegy par l’intermédiaire de différents sites Internet. Monsieur Pinckney (résident Français) y voyait une atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteur. Monsieur Pinckney porta l’affaire devant les juridictions françaises (au motif que l’on pouvait se procurer les CD litigieux sur Internet depuis la France), qui interrogèrent la Cour de Justice sur la détermination de leur compétence au regard du Règlement 44/2001 sur la compétence judiciaire. La Cour répond à ces questions dans son arrêt du 3 octobre 2013. Elle y rappelle tout d’abord la possibilité offerte à la victime de porter son litige soit devant les juridictions de l’Etat membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié (article 2, § 1 dudit Règlement) soit devant les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire (article 5, point 3). La Cour précise que la règle d’attribution de compétence spéciale prévue à l’article 5, point 3 du Règlement est d’interprétation stricte et qu’elle vise à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et le lieu de l’acte qui est à l’origine du dommage. La Cour rappelle ensuite que les atteintes commises par Internet sont susceptibles de se matérialiser dans de nombreux lieux et que dès lors la localisation du dommage peut varier en fonction de la nature du droit prétendument violé. Concernant les atteintes à un droit de propriété intellectuelle et industrielle faisant l’objet d’une formalité d’enregistrement (comme les marques), la Cour estime que sont compétentes les juridictions de l’Etat membre d’enregistrement car celles-ci sont les mieux placées pour apprécier le bien-fondé de l’atteinte alléguée. Pour le droit d’auteur, la Cour observe d’abord qu’il s’agit d’un droit de propriété intellectuelle qui ne fait pas l’objet de telles formalités, mais qui est soumis, dans sa protection, au principe de territorialité. Le fait que les contrefaçons soient disponibles via internet dans un Etat membre justifie la compétence des tribunaux de cet Etat. Toutefois, compte tenu du caractère territorial de la protection des droits d’auteur, la Cour conclut qu’il convient de limiter la compétence internationale au seul dommage subi sur le territoire de l’Etat membre concerné. En d’autres termes, l’auteur ne pourra introduire d’action devant les tribunaux de l’Etat membre où il a son domicile qu’en vue de la réparation du dommage subi dans cet Etat membre. Il devra alors introduire des actions dans les autres Etats pour y obtenir réparation du préjudice qu’il y aurait subi. “
Ons advies:
Par cet arrêt, la Cour de Justice apporte des clarifications importantes sur la portée des critères de compétence du Règlement de Bruxelles. Il convient d’en tirer parti lorsque l’on envisage des procédures internationales, afin de déterminer adéquatement les bases juridiques des actions (la solution retenue en matière de droits de la personnalité étant plus favorable à la victime) et les tribunaux à saisir. “