Le décret régional wallon analysé sous la loupe constitutionnelle
Une décision de la Cour constitutionnelle peut être riche d’enseignements ! C’est le cas de l’arrêt du 13 février 2020. La Cour statue sur un recours en annulation partielle du décret de la Région Wallonne relatif au bail d’habitation.
Levons tout de suite le suspens. La Cour n’a pas annulé ce décret, ni totalement ni partiellement. Cet arrêt est toutefois instructif à divers égards. Il ne sera pas possible d’aborder tous ces points d’attention dans cette seule news. Nous vous donnons dès lors déjà rendez-vous prochainement pour poursuivre l’analyse complète.
Libre choix du bailleur
Si le bailleur dispose du libre choix du preneur, ce droit n’est pas sans limite. Il ne l’autorise pas à discriminer. Le législateur décrétal a donc dressé la liste des renseignements qui peuvent être demandés en vue de conclure un bail d’habitation.
Le décret dresse la liste des informations que le bailleur peut demander aux différents candidats locataires. Brièvement, ces informations sont les suivantes : 1° nom et prénom du ou des candidats preneurs, 2° un moyen de communication, 3° l’adresse actuelle, 4° la date de naissance, 5° la composition de ménage, 6° l’état civil (marié ou cohabitant légal), 7° le montant des ressources financières, 8° la preuve de paiement des trois derniers loyers.
Pour un récapitulatif de ce qu’il est permis de demander dans chacune des trois régions, voyez notre précédente news.
Les renseignements problématiques
La composition de ménage
Le candidat preneur peut bien entendu présenter le document délivré par l’administration communale. Au contraire, le bailleur ne peut en exiger la production. C’est en réalité une évidence. La situation du candidat preneur qui y serait renseignée peut ne pas correspondre à la réalité: premier emménagement, séparation, famille recomposée….
Par cette disposition, le législateur permet – uniquement – au bailleur de contrôler le nombre d’occupants pour éviter un surpeuplement du logement.
Les ressources financières
La difficulté porterait sur un risque de discrimination fondé sur la source des revenus.
Lors de l’élaboration du décret, le législateur a cependant pris soin de préciser que le bailleur peut s’enquérir du montant des revenus mais non de leur nature. Le bailleur ne peut cependant exiger du candidat preneur des renseignements sur la nature, l’origine de ses revenus. Ce dernier est libre de justifier du montant de ses revenus sur base « de tout document fiable ».
La preuve du paiement des trois derniers loyers
Il est évident que, pour le bailleur, la fiabilité du candidat preneur, outre sa capacité à honorer ses obligations, est un élément essentiel. S’il dispose de moyens financiers importants mais qu’il n’a pas pour habitude de payer régulièrement son loyer, ce candidat preneur n’est probablement pas idéal. À l’estime de la Cour, l’autorisation donnée au bailleur de demander la preuve du paiement des trois derniers loyers est pertinente. Il appartiendra au candidat preneur d’expliciter les motifs pour lesquels il ne peut fournir cette preuve.
Et d’autres données encore?
La liste des informations de l’article 6, alinéa 2, du décret Régional Wallon est exhaustive. Cependant, l’alinéa 3 du même article 6 permet au bailleur d’exiger d’autres données. Le législateur a encadré strictement cette demande d’informations complémentaires. Des « motifs sérieux et proportionnés avec la finalité poursuivie » doivent le justifier.
Conclusion de la Cour constitutionnelle
Pour la Cour, le décret « relatif au bail d’habitation » d’une part rencontre l’objectif du législateur – créer les conditions propices à l’instauration d’un climat de confiance entre les parties au bail – et d’autre part offre une meilleure protection au candidat preneur – limitation du droit du bailleur de solliciter des informations – qui n’était auparavant nullement encadrée par la législation fédérale relative au bail de résidence principale.
Le décret respecte en outre le droit au logement reconnu par l’article 23 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale.
Ons advies:
Pour choisir un locataire, le bailleur à le droit de solliciter divers renseignements. L’exercice de ce droit ne peut le conduire à discriminer. Un motif sérieux doit justifier la demande de renseignements non listés à l’article 6, alinéa 2, du décret du 15 mars 2018.