La directive sur le droit d’auteur dans la société de l’information prévoit que les Etats membres ne peuvent, en principe, s’opposer aux droits exclusifs des auteurs visant à permettre ou interdire la reproduction et la communication au public de leurs œuvres. L’article 5, §3(n) de cette directive prévoit toutefois que les Etats membres peuvent établir une exception à ces droits « lorsqu’il s’agit de l’utilisation, par communication ou mise à disposition, à des fins de recherche ou d’études privées, au moyen de terminaux spécialisés, à des particuliers dans les locaux [de bibliothèques accessibles au public, des établissements d’enseignement, des musées ou des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect],d’œuvres et autres objets protégés faisant partie de leur collection qui ne sont pas soumis à des conditions en matière d’achat ou de licence ». Le Bundesgerichtshof (la Cour fédérale de justice d’Allemagne) a interrogé la Cour de Justice de l’Union européenne sur la portée de cette exception après avoir eu à connaître d’une affaire opposant une université (Technische Universität Darmstadt) à une maison d’édition (Eugen Ulmer KG). Ayant numérisé un livre édité par ses soins pour le proposer sur des postes de lecture électronique, il était impossible de consulter plus d’exemplaires de l’œuvre que ceux disponible dans le fonds bibliothécaire. L’université n’ayant pas acquis d’exemplaire de l’œuvre sous format électronique, la maison d’édition souhaitait lui interdire de numériser ledit livre pour empêcher toute copie sur clé usb ainsi que toute impression. L’arrêt de la Cour de Justice est attendu pour les prochains mois. Dans l’intervalle, on notera qu’il ressort des que ce dernier estime que la directive 2001/29 sur le droit d’auteur ne s’oppose pas à ce que les Etats membres accordent la possibilité pour les établissements visés par la disposition précitée de numériser une œuvre, si les terminaux spécialisés utilisés pour mettre à la disposition du public l’œuvre le requièrent. Ceci est toutefois admis notamment pour protéger les originaux rares ou devenus fragiles et non pour permettre l’économie d’achat d’exemplaires supplémentaires de ladite œuvre. L’avocat général considère par ailleurs que l’utilisateur de l’œuvre numérisée ne peut aller jusqu’à la copier sur un support usb, la communication devant avoir lieu par la bibliothèque publique. Une telle copie constituerait la création d’une copie numérique privée de l’œuvre par l’utilisateur. Il applique le même raisonnement en ce qui concerne la possibilité d’imprimer l’œuvre. Dans cette hypothèse, toujours selon l’avocat général, il convient néanmoins d’ajouter, pour être parfaitement complet, que l’impression papier peut être couverte par d’autres exceptions prévues par la directive telle que l’exception de copie privée. «
Notre conseil :
Le droit d’auteur prévoit une protection de principe des œuvres et n’y déroge que dans certaines hypothèses, qui doivent s’interpréter d’une manière stricte. Le cas de la numérisation des œuvres par les bibliothèques illustre bien la difficulté et les risques de développer une activité sur le fondement d’exceptions aux droits exclusifs des auteurs. Afin de pouvoir développer ses activités impliquant l’exploitation d’œuvres d’autrui d’une manière paisible, il est donc essentiel d’évaluer soigneusement la portée des actes d’exploitation que le projet implique ainsi que le champ des éventuelles exceptions pertinentes. Seule une telle analyse préalable permet de maîtriser les risques et, le cas échéant, décider de les prendre en pleine connaissance de cause. »