La loi du 28 novembre 2022 relative aux lanceurs d’alerte dans le secteur privé est entrée en vigueur le 15 février 2023.
Qui est concerné ?
Si votre entreprise compte plus de 250 travailleurs, un canal interne de signalement doit être mis sur pied depuis le 15 février 2023 !
Si vous employez entre 50 et 250 travailleurs, vous disposez d’un délai jusqu’au 17 décembre 2023. L’adoption du système d’alerte devant faire l’objet d’une consultation sociale, il faut anticiper cette échéance !
A défaut, des sanctions sont prévues, comme nous le détaillons dans une autre news.
Quel champ d’application ?
Dans le secteur privé belge, les signalements peuvent concerner les violations des règles régissant :
- Les marchés publics,
- Le droit de la concurrence et des aides d’état,
- Les services financiers,
- Les règles de l’impôt sur les sociétés,
- La protection de l’environnement,
- La sécurité des aliments, des produits et des transports,
- La santé publique,
- Le nucléaire,
- La protection des consommateurs,
- Le droit à la vie privée et la protection des données à caractère personnel,
- La sécurité des réseaux et des systèmes d’information,
- La fraude sociale,
- La fraude fiscale.
Que doit prévoir le système d’alerte ?
- La garantie de la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte,
- Un accusé de réception du signalement dans les 7 jours,
- Le suivi diligent des signalements par une personne ou un service impartial compétent,
- La fourniture d’informations sur le suivi de l’alerte dans les 3 mois.
Le dispositif d’alerte peut être géré en interne, sous-traité, ou encore mutualisé.
S’il est fait appel à un prestataire, il a la qualité de sous-traitant au sens du RGPD et des mentions obligatoires doivent être insérées dans le contrat.
Quand est-ce qu’un lanceur d’alerte peut se tourner vers l’extérieur ?
Signalement externe – Le lanceur d’alerte peut directement se tourner vers l’autorité compétente. Il peut aussi s’adresser à elles s’il estime qu’aucune suite appropriée n’a été donnée à son alerte interne par son employeur. Il est donc important que le canal interne de signalement soit bien conçu, pour qu’il soit privilégié par les travailleurs afin que la violation soit détectée au plus vite.
Inertie – Le lanceur d’alerte peut se tourner vers le public s’il estime qu’aucune suite appropriée n’a été donnée à son alerte par l’autorité compétente dans le délai maximum prescrit.
Il peut également publier directement les informations s’il a des motifs raisonnables de croire que :
- Urgence – l’infraction peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, tel qu’une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible,
- Inutile – ou il existe un risque de représailles en cas de signalement à l’autorité nationale, ou qu’il il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à l’infraction, en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme le fait que des preuves puissent être dissimulées ou détruites ou qu’une autorité soit en collusion avec l’auteur de l’infraction ou impliquée dans l’infraction.
Qui peut revendiquer une protection ?
- Les travailleurs,
- Les travailleurs indépendants,
- Les bénévoles, les stagiaires rémunérés ou non,
- Les anciens travailleurs, sans limite de temps,
- Les futurs travailleurs (pour les informations obtenues lors du processus de recrutement)
- Les actionnaires, les membres de l’organe administratif, de direction ou de surveillance d’une entreprise
- Les personnes travaillant pour des contractants, des sous-traitants et des fournisseurs.
Non seulement le lanceur d’alerte lui-même est protégé, mais également les facilitateurs, les collègues ou proches du lanceur d’alerte, ou encore les sociétés qui lui appartiennent ou pour lesquelles il travaille.
Quelle protection ?
Représailles – Le lanceur d’alerte est protégé des représailles, des menaces et des tentatives de représailles. La notion de représailles est définie très largement. Elle englobe :
- La suspension, la mise à pied, le licenciement,
- La rétrogradation ou le refus de promotion,
- Le transfert de fonctions, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail,
- La suspension de la formation,
- L’évaluation de performance ou l’attestation d’emploi négative,
- Les mesures disciplinaires, la réprimande ou toute autre sanction,
- L’intimidation, le harcèlement, l’orientation vers une prise en charge psychiatrique ou médicale.
- La discrimination, le désavantage ou le traitement injuste,
- La non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le lanceur d’alerte espérait légitimement se voir offrir un emploi permanent;
- Le non-renouvellement ou la résiliation anticipée du contrat de travail temporaire,
- La mise sur liste noire à l’échelle sectorielle ou industrielle,
- La résiliation anticipée ou annulation du contrat pour des biens ou des services,
- L’annulation d’une licence ou d’un permis,
- De façon plus globale, les atteintes à la réputation de la personne (y compris sur les réseaux sociaux), ou les pertes financières.
Cette définition large de « représailles » s’accompagne d’un renversement de la charge de la preuve. Ce n’est donc pas au lanceur d’alerte de démontrer que ces représailles sont motivées par les informations qu’il a divulguées. Au contraire, c’est à l’employeur d’apporter la preuve que ces mesures n’ont pas de rapport avec l’alerte.
Assistance et indemnisation
L’auteur de signalement :
- Dispose d’un soutien juridique et psychologique,
- Bénéficie de mesures provisoires contre les représailles,
- Peut obtenir la réparation et l’indemnisation intégrale des dommages subis.
Immunité – Par ailleurs, s’il est de bonne foi, le lanceur d’alerte est protégé dans le cadre de procédures judiciaires qui seraient menées à son encontre (par exemple en diffamation, en violation du secret d’affaires ou des règles en matière de protection des données).
Cependant, le lanceur d’alerte n’est pas protégé s’il a conscience que son signalement porte sur des fausses informations, ou s’il a commis une infraction pour obtenir ou accéder aux informations litigieuses.
Conditions pour bénéficier de la protection
Le lanceur d’alerte peut revendiquer cette protection si :
- Il est de bonne foi : il avait des motifs raisonnables de croire que les informations divulguées étaient véridiques au moment du signalement, et qu’elles concernaient une violation rentrant dans le champ d’application de la loi,
- Il a respecté le cheminement d’un signalement, tel que prévu par la loi.
Le lanceur d’alerte ne doit pas forcément agir de manière désintéressée pour être protégé !
Et la personne mise en cause ?
Enfin, l’identité de la personne mise en cause par l’alerte doit être protégée aussi longtemps que l’enquête est en cours.
Notre conseil :
Les canaux de signalement interne posent à la fois des questions de droit social et de protection des données à caractère personnel (que ce soient celles du lanceur d’alerte ou de la personne mise en cause).
Si ces questions sont négligées, l’entreprise risque de ne pas être en mesure d’utiliser les informations obtenues par ce biais… Il faut donc préparer soigneusement le dispositif d’alerte interne, en consultant les partenaires sociaux.
Nous sommes évidemment à votre disposition pour vous accompagner dans la rédaction et l’introduction d’une procédure de gestion des signalements internes.