Le droit des marques permet d’acquérir un monopole sur l’usage commercial d’un signe qui sert à désigner l’origine de produits ou services. Ainsi, la marque doit permettre au consommateur de facilement distinguer les nombreux produits sur le marché. Pour constituer une marque valable, un signe doit être disponible, licite, distinctif, et ne peut pas être trompeur. Dans le cadre de la procédure d’enregistrement de marque, l’office compétent examine les causes de nullité absolue: l’illicéité de la marque et l’absence de caractère distinctif. Le 12 février 2014, le Tribunal de l’Union européenne s’est prononcé sur le caractère distinctif d’un slogan, dans le cadre d’un recours introduit contre une décision de l’Office communautaire (l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur, OHMI, qui est compétent pour l’enregistrement des marques communautaires) qui avait refusé l’enregistrement comme marque du slogan «La qualité est la meilleure des recettes». Cette décision reprend les grands principes d’évaluation du caractère distinctif, avant de les appliquer au signe litigieux. Il est ainsi rappelé que le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits concernés par l’enregistrement (appréciation in concreto) et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (appréciation in abstracto). Le Tribunal a également souligné qu’un slogan publicitaire peut être enregistré en tant marque et ne peut se voir appliquer des critères plus stricts dans l’appréciation de son caractère distinctif. Ainsi, la connotation élogieuse d’une marque n’empêche pas de garantir aux consommateurs sa provenance. Toutefois, il doit être admis que la perception du public pertinent ne sera pas nécessairement la même pour toutes les catégories de marques, induisant une difficulté plus grande pour établir le caractère distinctif de certaines catégories de marques par rapport à d’autres. Dans son examen, le Tribunal reprend la position de la chambre des recours de l’OHMI en affirmant que, vu la consommation courante des produits en causes (secteur de l’alimentation et boissons non-alcoolisées) et les termes en français de la marque demandée, il convient de considérer les consommateurs francophones de l’Union européenne comme le public pertinent. Il confirme que le consommateur moyen concerné ne pourrait percevoir le signe verbal «la qualité est la meilleure des recettes» comme une indication d’origine commerciale mais uniquement comme une information promotionnelle, le message étant exprimé «dans un langage quotidien clair, sans fantaisie ni prégnance qui le rendraient surprenant ou facilement mémorisable». Le Tribunal a considéré que le prétendu jeu de mots défendu par la requérante ne serait pas perçu pas le consommateur constituant le public pertinent. Les arguments de la partie requérantes, réfutant l’analyse qui avait été opérée par la chambre des recours, ont ainsi été rejetés un par un par le Tribunal. Celui a estimé que: La chambre des recours n’a pas mis en avant la longueur du signe pour en déduire l’absence de caractère distinctif mais a simplement mentionné ce point parmi les signes pris en compte pour apprécier ce caractère distinctif; Elle n’a pas appliqué le motif absolu de refus tiré du caractère descriptif d’un signe; Elle ne s’est pas référée à un «surcroît de fantaisie» en tant que condition nécessaire pour conférer un caractère distinctif (le Tribunal a reconnu sur ce point que le caractère de fantaisie et surprenant d’un signe puisse le rendre plus facilement mémorisable et, par conséquent, distinctif, sans que cela puisse toutefois être considéré comme une condition en tant que telle); La décision relative au signe «Vorsprun durch Technik» (l’arrêt Audi c. OHMI) ne saurait être reproduite au cas d’espèce, les signes étant exprimés dans deux langues différents et les produits relevant de domaines différents; La chambre des recours n’a pas exclu la possibilité pour un signe de remplir la double fonction de message promotionnel et d’indication quant à l’origine commerciale. Enfin, le tribunal a rejeté, pour défaut de preuve, l’argumentation relative à la notoriété de la marque demandée Il est à noter que cette décision peut encore faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de Justice de l’Union européenne. «
Notre conseil :
L’exigence de caractère distinctif, indispensable à l’enregistrement d’une marque, constitue un élément délicat concernant la protection des slogans, car la jurisprudence n’est pas toujours facilement prévisible. Afin de pouvoir exploiter au mieux l’investissement qui est réalisé autour d’un slogan publicitaire, il est donc conseillé de faire valider le choix d’un slogan publicitaire par rapport à la jurisprudence la plus récente. A défaut, votre entreprise court le risque d’investir dans un slogan qui ne pourra être protégé par le droit des marques. Dans ce cas, les concurrents pourraient plus facilement jouer sur des formules proches et ainsi tenter de tirer profit de la visibilité acquise par votre slogan. «