La pratique du publireportage, de plus en plus répandue dans les médias, consiste à présenter une publicité en imitant la mise en page et le style d’un article de fond. Plus informatif qu’une publicité traditionnelle travaillant avant tout sur l’image, le publireportage peut, s’il n’est pas correctement signalé, tromper les consommateurs en leur faisant croire qu’il s’agit d’un article rédigé par un journaliste indépendant de l’annonceur. Deux sociétés allemandes éditrices de journaux concurrents, le Stuttgarter Wochenblatt et le journal de petites annonces Good News, sont entrées en litige suite à la publication, dans le second journal, de publireportagesconsidérés par le premier comme violant l’article 10 de la loi régionale sur la presse du 14 janvier 1964 (Landespressegesetz Baden-Württemberg). Cet article prévoit que les publicités qui ne sont pas clairement identifiables en tant que telles doivent comporter la mention « annonce» (Anzeige). La Cour fédérale allemande (Bundesgerichtshof), saisie du dossier en révision après deux décisions en instance et en appel favorables au demandeur, a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne afin de déterminer si cette interdiction était bien compatible avec la directive sur les pratiques commerciales déloyales, transposée en Allemagne par la loi fédérale contre la concurrence déloyale (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb). Dans son arrêt prononcé le 17 octobre 2013, la Cour de Justice de l’Union Européenne s’est tout d’abord interrogée sur la qualification de «pratique commerciale» à apporter à ces publireportages, selon la définition de l’article 2 d) de la Directive. La Cour estime que les publications concernées sont susceptibles de promouvoir les produits et services des entreprises visées dans ces publications et non pas le produit de l’éditeur de presse en cause. Les publications concernées peuvent donc être qualifiées de pratiques commerciales mais uniquement à l’égard des entreprises dont la publicité est faite et non à l’égard de l’éditeur de presse, dès lors que le fait pour l’éditeur de presse de procéder à de telles publications susceptibles de promouvoir, éventuellement indirectement, les produits et les services de tiers n’est pas de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur dans sa décision d’acquérir ou de prendre possession du journal en cause. De plus, la Directive n’a pas pour objet d’obliger les éditeurs de presse écrite – les fournisseurs de médias audiovisuels obéissant à un cadre différent prescrit par la Directive SMA – à empêcher leurs annonceurs de se livrer à des pratiques commerciales éventuellement déloyales. Dans ces circonstances, la Cour décide que la Directive relative aux pratiques commerciales déloyales n’a pas vocation à être invoqué par un concurrent de l’éditeur de presse concerné au motif que celui-ci a procédé à des publications dont le caractère publicitaire n’est pas adéquatement signalé. Et la Cour de conclure, en réponse à la question préjudicielle, que la directive 2005/29 n’a pas vocation à être invoquée à l’encontre des éditeurs de presse, de sorte que, dans ces circonstances, cette directive doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à l’application d’une disposition nationale en vertu de laquelle ces éditeurs sont tenus de faire figurer une mention spécifique, en l’occurrence le terme «annonce» (Anzeige), sur toute publication dans leurs périodiques pour laquelle ils perçoivent une rétribution, à moins que la disposition ou la conception de cette publication permettent, de façon générale, de reconnaître la nature publicitaire de celle-ci. Il est à noter qu’en Belgique, l’article 13, 1°, de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information prévoit également que toute publicité qui n’est pas clairement identifiable en tant que telle du fait de son effet global doit comporter la mention «publicité» de manière lisible, apparente et non équivoque. «
Notre conseil :
Le contexte de concurrence entre les entreprises les incite à surveiller ce que font leurs rivales sur le marché. Le droit des pratiques commerciales constitue une arme souvent utilisée pour perturber la politique commerciale des concurrents.Il convient donc de correctement évaluer les projets commerciaux avant leur lancement, afin de ne pas créer d’opportunités de contestation pour les concurrents.