Ce 21 décembre 2017, la Cour constitutionnelle a prononcé un arrêt annulant d’importantes parties de la réforme du droit pénal appelée « Pot-Pourri II ».
Cet arrêt à un impact majeur sur la nouvelle architecture que le gouvernement souhaitait imposer à la procédure pénale.
De grandes réformes confirmées
Parmi les onze mesures de la loi du 5 février 2016 qui ont fait l’objet d’un recours en annulation, six mesures résistent au contrôle de constitutionnalité.
– La constitutionnalité de la suppression de la nullité automatique lorsque des irrégularités formelles ont été commises en autorisant l’écoute et l’enregistrement des communications est notamment confirmée.
Concrètement, il s’agit d’une nouvelle confirmation du mouvement jurisprudentiel et législatif déclarant dans une très large mesure recevables les preuves irrégulières.
– Concernant, les voies de recours, la limitation de la possibilité de faire opposition et l’instauration en degré d’appel d’une requête contenant les griefs voient leur constitutionnalité également confirmée.
Ces réformes impactent particulièrement les justiciables qui souhaitent se défendre sans l’assistance d’un avocat. La Cour a ainsi confirmé la complexification des procédures.
Néanmoins, la Cour a pris soin de préciser dans quelles limites ces restrictions des voies de recours étaient constitutionnelle et quelle devait être l’interprétation donnée aux termes de la loi pour s’y conformer.
– Enfin, la limitation du contrôle périodique de la détention préventive et l’attribution de compétences du ministère public à des juristes de parquet résistent également au test de constitutionnalité.
De grandes réformes annulées et le retour de la Cour d’assises
Cet arrêt annule cinq mesures phares des réformes du Code pénal et de la procédure pénale.
– La Cour juge notamment qu’il est inconstitutionnel de soustraire à la cour d’assises un nombre aussi important d’affaires.
Cette réforme prévoyait que tous les dossiers, peu importe le type de crime reproché, pouvait faire l’objet d’un procès devant le Tribunal correctionnel à la place de la Cour d’assises.
Le seul critère étant celui de l’existence de circonstances atténuantes, soit une notion qui n’est même pas définie par la loi.
Finalement, c’est donc pour des raisons très floues, fluctuantes et subjectives que certains prévenus étaient traduits devant la Cour d’assises et d’autres devant le Tribunal correctionnel.
Or, la différence entre les deux procédures conduit à des différences de traitements très importantes (la peine risquée, l’audition de témoins, la présence d’un jury populaire, le droit de faire appel, etc.).
Dans son arrêt, la Cour juge cette différence inconstitutionnelle et annule donc les articles en lien avec cette réforme, en ce compris la création des peines de 40 ans de prison et la possibilité pour les tribunaux correctionnels de prononcer des peines d’emprisonnement supérieures à 20 ans.
– En outre, la Cour annule l’extension de la mini-instruction à la perquisition estimant que le droit à la vie privée est un droit fondamental dont la limitation doit être strictement contrôlée.
En l’espèce, la mini-instruction consiste en l’intervention uniquement ponctuelle d’un juge d’instruction à la demande du Procureur du Roi et ce dans le cadre d’une information préliminaire et pour un devoir d’enquête particulier.
Or, dans le cadre d’une information, les droits du suspect sont très limités et dépendent en bonne partie du bon vouloir du Procureur du Roi.
La Cour a dès lors estimé que ce cadre ne protégeait pas suffisamment les droits fondamentaux et a donc décidé de l’annuler.
– Enfin, la Cour annule également la limitation du pourvoi en cassation immédiat contre des décisions concernant la détention préventive et le fait d’exclure a priori et sans examen individuel les détenus en séjour illégal de la quasi-totalité des modalités d’exécution de la peine.
Pas d’effet pour le passé
Cet arrêt intervient plus de 22 mois après l’entrée en vigueur de la réforme. Le nombre de dossiers clôturés et en cours sous l’empire de ces règles est très élevé.
Dès lors, l’application dans le temps de cet arrêt en annulation est extrêmement importante.
La Cour a décidé de maintenir les effets des articles annulés à l’égard des décisions (ou des perquisitions) rendues sur la base de ces dispositions avant la date de publication de l’arrêt au Moniteur belge.
À ce jour, ladite date de publication n’est pas encore connue.