L’actualité met sans cesse en lumière les difficultés rencontrées par les minorités. Peut-être est-ce le moment de vous interroger sur l’opportunité d’introduire des mesures pour favoriser la diversité au sein de votre personnel ?
On peut par exemple penser à :
- promouvoir vos offres d’emplois auprès de groupes cibles spécifiques,
- offrir des programmes de soutien à certains candidats lors d’une procédure de candidature (par exemple, une formation préliminaire expliquant comment les candidats peuvent postuler avec succès),
- organiser des stages réservés à certains groupes en y liant une garantie pour l’emploi en cas d’évaluation positive du stage,
- octroyer une prime aux salariés qui recommanderaient avec succès une femme à un poste à responsabilité, etc.
Ce type de mesures rencontre un certain succès aux Etats-Unis (sous le nom d’affirmative action), mais n’est pas encore rentré dans les mœurs belges, et pour cause…
Principe : interdiction des discriminations
En effet, le principe est l’interdiction des discriminations, que ces discriminations soient en la faveur ou en la défaveur d’un groupe particulier.
Le droit belge prohibe les discriminations fondées sur le genre, l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, le handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.
Cette interdiction vaut également en matière de relations du travail. Elle s’applique non seulement aux travailleurs en place, mais également aux candidats éventuels, en vertu de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et de la CCT n° 38 concernant le recrutement et la sélection du travailleur.
Exception : mesures d’action positive
Les actions positives sont des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser les désavantages liés aux critères protégés en vue de garantir une pleine égalité dans la pratique.
L’article 16 de la loi du 10 mai 2007 prévoit la possibilité de procéder à des discriminations légitimes pour autant :
- qu’il existe une inégalité manifeste à l’heure actuelle ;
- que la disparition de cette inégalité soit considérée comme un objectif à promouvoir ;
- que la mesure d’action positive soit de nature temporaire et disparaisse dès que l’objectif visé est atteint ;
- que la mesure soit proportionnée au but recherché. Il faut donc vérifier que les moyens utilisés soient appropriés et nécessaires ;
- que la mesure d’action positive ne restreigne pas inutilement les droits d’autrui, c’est-à-dire que la mesure ne crée pas inutilement une discrimination au profit de l’autre catégorie a priori majoritaire ;
Si nous reprenons l’exemple d’une prime pour le « parrainage » de candidates femmes à des postes à responsabilité, il est concevable de prendre des mesures incitant les femmes à postuler, mais le processus de sélection doit ensuite réserver les mêmes chances aux femmes qu’aux hommes. L’action positive ne peut donc pas aboutir à donner purement et simplement la priorité aux femmes pour accéder au poste en jeu.
En résumé, l’action positive ne peut pas conférer un avantage absolu à une catégorie, mais uniquement restaurer l’égalité des chances.
Concrètement ?
Bien qu’il s’agisse d’une loi de 2007, l’application de cette exception de mesures d’action positive nécessitait l’adoption d’un arrêté royal, qui s’est fait attendre jusqu’en 2019 !
On sait désormais que les mesures d’action positive doivent être élaborées :
- soit dans une convention collective de travail,
- soit dans un acte d’adhésion fixant les conditions qui sont les conditions relatives à ces actions positives.
La procédure d’établissement de cet acte d’adhésion est identique à celle appliquée à la rédaction et la modification du règlement de travail en cas d’absence du conseil d’entreprise, ainsi que celle appliquée lorsque les avantages non récurrents liés aux résultats sont introduits par voie d’acte d’adhésion.
La mesure ne peut ensuite être mise en œuvre qu’après approbation par le Ministre de l’emploi dans les deux mois de l’enregistrement de la convention collective de travail ou de la déclaration de recevabilité de l’acte d’adhésion.
À défaut de communication par le Ministre dans ce délai, le plan d’action positive sera considéré comme approuvé.
Our advice:
N’hésitez pas à vous faire conseiller si vous envisager de recourir à ce genre de mesures d’action positive.
En effet, les conséquences de mesures de discrimination positive qui ne seraient pas prises légalement sont multiples :
- les mesures d’action positive seraient réputées nulles. Dans notre exemple, la prime envisagée pour le parrainage d’une candidate femme pourrait s’avérer nulle.
- Si vous vous écartez du cadre légal strict, le traitement des données relatives à des motifs de discrimination est interdit par le RGPD,
- le Tribunal du travail pourrait ordonner la cessation d’un comportement discriminant, éventuellement assortie d’une astreinte.
- la victime de discrimination pourrait réclamer l’indemnisation de son préjudice,
- d’un point de vue pénal, la discrimination ou l’incitation à la discrimination sont évidemment punissables.
Enfin, si les mesures impliquent l’octroi de primes, il est envisageable de concevoir ce système comme un avantage non récurrent lié au résultat afin de l’optimiser fiscalement.